Avec une selection des oeuvres de :
« Il est aisé de représenter les formes d’un corps que la peau elle-même. En tant que surface. La peau semble être un moyen possible de la représentation sans être pour autant représentable. La peau, enveloppe du corps apparaît comme une surface avec sa texture singulière, les variantes de sa couleur, et comme un ensemble de fragments qui épousent les différentes formes du corps. Donner à la teinte de la peau la richesse de ses nuances semble toujours impossible parce que la peau nous sépare de la représentation du corps au moment où nous éprouvons sa texture, visuellement ou tactilement. Toute représentation du corps est un instant suspendue par la vision ou le toucher du granulé de la peau, comme si l’enveloppe de la forme se séparait des formes qu’elle exalte pour devenir une surface avec son propre relief. C’est pourquoi la peau se présente d’abord tel un texte qui se dispense de la métaphore et de la mise en image du corps. Elle ne cache rien. Elle ne s’offre pas au regard comme une enveloppe qui enferme quelque chose et qui lui confère une forme. Cette idée d’une « peau des choses » qu’il faudrait crever pour saisir une sorte d’essence de la chose perdure telle une tradition philosophique qui met la peau à la place de l’apparence. »*
"Entre sa peau", entre la peau de l'œuvre ; dans, sous, entre, sur le corps de l'œuvre. Telle est la problématique traitée dans cette nouvelle exposition. "Entre sa peau", une métaphore de la révélation du corps de l'œuvre. Dans la vidéo King Kong addition de Camille HENROT, la superposition des trois versions de King Kong épaissit la peau de la pellicule jusqu’à fondre les sujets à travers trois temps distincts. ERRO, dans sa volonté de feuilleter l’Histoire, joue avec le temps et sa dissociation pour créer de « l’entre-peau ». MAN RAY utilise les fards de la sculpture pour dissimuler la vérité par « l’entre peau ». Mais comment corps et peau se divulguent dans ces œuvres ? HENROT reprend cette idée de lecture à travers le corps dans Metawolf en grattant la peau des personnages à même la pellicule afin de reformer le corps lui-même. Les artistes de cette exposition éclairent, épaississent, dissolvent, compriment, lacèrent, calcinent la peau pour en révéler son essence. Les œuvres de DESGRANDCHAMPS connu pour ses « fantômes liquides », révèlent cette quintessence de la peau. Celle-ci est travaillée à même la matière par ARMAN ou POMODORO afin de nous laisser entrevoir ce qu’il y a au-delà cette peau, thème toujours créateur d’interprétation. L’épaississement des textures et le cerne large pour révéler la beauté du corps féminin de WESSELMAN, ou la photographie d’une peau de banane renversée où SIMONS s’attache à décrire la texture de la chair entre la peau et le fruit, elle privilégie la peau dans son plus simple appareil et repose la question perpétuelle des artistes d’hier et d’aujourd’hui sur cette thématique.
*Henri-Pierre Jeudy, Le corps comme objet d’art, Armand Colin, Paris, 1998.